Ecc 12.1-7
Ultime conseil : N’oublie pas ton créateur.
Le vieil enseignant (c’est le sens de Ecclésiaste) nos livre ici un magnifique poème sur la vieillesse, avec tendresse et honnêteté. Il place en en-tête « pense à ton Créateur ».
Il décrit les problèmes de dents, de vue, d’articulations, les forces qui déclinent, le souffle qui ne suit plus, les mains qui perdent leur précision. Il parle des pertes des sensations de la vie (même les capres n’ont plus de saveurs).
Il termine avec une nouvelle annonce que tous « retournent à la terre ». Il insiste ici sur l’égalité des hommes : la coupe d’or, comme la jarre de la fontaine, finit par se briser. Dans la pensée de l’Ecclésiaste, la jarre est clairement bien plus précieuse que la coupe d’or.
Dans l’antiquité hébraïque on valorise énormément le vieillard, il est bon d’avoir une longue et heureuse vieillesse rassasiée de jour. Et on insiste sur l’immortalité (sous forme de souvenir, de descendances nombreuses ou d’immortalité de l’âme).
L’Ecclésiaste préfère les jours de bonheur à une vie fade qui rendrait l’accumulation des jours insipide et il décrit la mort comme un point final. La corps, qui s’est nourrit de la terre, retourne à la terre, pour participer au grand cycle décrit au début de son livre. L’esprit retourne à Dieu, celui qui a donné la vie. Une manière, sans doute, de remettre le roi au niveau de tous : un magnifique tombeau n’a pas vraiment de sens.
Plusieurs voient un double sens dans ce poème, on y parle à la fois de la mort du roi et de la vieillesse de chacun (pex : les gardes sont soit les bras, soit des soldats).
« Ce n’est pas pour rien que Qohélet emploie ce mot de Créateur. Car trop souvent l’homme ne pense à se Créateur que lorsque les joies de la création lui sont interdites par les lois même de la création, celle du vieillissement en particulier. Finalement, il pense à la création lorsque celle-ci lui échappe. Auparavant, il n’a songé qu’au travail et à l’argent, à ses propres créations. […] même vieux, nous pouvons encore aimer quelques chose ou plutôt quelqu’un : notre prochain. Eros est mort, mais agapé ne périra jamais. Seulement faut-il laisser aux hommes âgés, la possibilité d’être utiles, la possibilité d’aimer. »
Ecc 12.8-14
En guise de conclusion : ne te prend pas le tête. La conclusion commence par un rappel « Tout est dérisoire » et se termine par un autre rappel « Crains Dieu… cela vaut pour tous les hommes ».
Entre deux, l’Ecclésiaste nous dévoile un chouiat sa pédagogie. Une approche à la Socrate (on parle parfois de maïeutique) : poser des questions qui mettent en mouvement « les paroles des sages sont comme les aiguillons, ceux qui rassemblent ces paroles ressemblent à des clous bien plantés ». Lorsqu’on lit ce livre, on a souvent l’impression des phrases en désordre, et parfois en contradiction ; en fait son auteur a volontairement rédigé pour nous obliger à chercher par nous-mêmes (rassembler, sous-peser, équilibrer les vérités énoncées… et surtout les comparer à nos propres observations).
Si ce livre nous a mis en mouvement, alors l’objectif est atteint.
Il ajoute une petite mise en garde, inutile d’accumuler des livres et des études. Je crois comprendre qu’il veut dire : mieux vaut réfléchir et apprendre à vivre heureux. Et aussi, sans doute, que la réflexion est aussi un travail épuisant…
En guise de conclusion
Que retenir de ce long parcourt dans le livre de l’Ecclésiaste, avec l’aide bienvenue d’Alphonse Maillot et Jacques Ellul ?
En fait, l’enseignement de ce livre exige que je vous laisse répondre par vous-mêmes à cette question … Je me réjouis de lire vos réactions !
De mon côté, je dois dire que ce livre me déroute à chaque lecture. Si je n’ose l’exprimer à la manière de l’Ecclésiaste : si tu penses avoir compris, alors tu manques d’humilité.
Il ressemble, pour moi, aux colliers de perles multicolores qu’assemblent mes « petits enfants de cœur » : chaque perle est belle, mais je ne comprends pas la logique de l’agencement. La leçon est : la logique n’est pas nécessaire pour que ce soit beau, elle est seulement demandée par mes cadres de pensée. Il faut s’avoir choisir entre être heureux ou psycho-rigide…
Conjointement au confinement, l’Ecclésiaste m’a appris que l’on peut vivre et travailler avec bonheur, même lorsque le futur est imprévisible.
L’Ecclésiaste m’apprend aussi à chercher les petits bienfaits de la vie, de la naissance à la mort. Ils sont parfois cachés dans une forêt d’absurdité, mais ils sont bien réels.